L’affaire Fillon, ou le Karma pour les Nuls.
Les turpitudes du candidat des Républicains offrent une illustration limpide de cette loi fondamentale.
Et Dieu dans tout ça ? Entre la foi ostensiblement affichée par François Fillon, Emmanuel Macron qui entend des voix, et les divers débats sur la place de l’Islam dans la République, le spirituel est au cœur de la campagne. Pour une hypothétique « sortie de la religion », il faudra patienter encore un peu.
Dans le même registre transcendantal, les médias ont glosé sur les mots prononcés par le père Russell Torpos, lors de la messe à laquelle a assisté Fillon, dimanche dernier, à La Réunion. Le curé de Saint-Gilles-Les-Bains a cité un passage du Chapitre 5 de l’Evangile selon Saint Matthieu : « Accorde-toi vite avec ton adversaire, pour éviter que ton adversaire ne te livre au juge et qu’on ne te jette en prison. Amen, je te le dis, tu ne t’en sortiras pas avant d’avoir payé jusqu’au dernier sou. » (Matthieu, 5:25-26)
Mais si la presse a retenu ce passage, éloquent il est vrai, le prêtre a également mentionné le passage suivant, tiré du même chapitre : « Quiconque se met en colère contre son frère sera justiciable du tribunal ; et qui dira à son frère : Raca ! sera justiciable du Sanhédrin ; et qui dira : Fou ! sera justiciable pour la géhenne du feu. » (Matthieu, 5:21-22)
Difficile, en lisant ces mots, de ne pas se souvenir de ceux prononcés par Fillon, lors de son premier meeting de campagne fin août : « Qui imagine le Général de Gaulle mis en examen ? ». Une attaque frontale contre son concurrent, Nicolas Sarkozy, lui-même cerné par les affaires. Une stratégie qui a aidé Fillon à remporter la primaire, mais qui ne lui a pas franchement porté chance par la suite. C’est le moins qu’on puisse dire.
Boomerang
Lors de la primaire à gauche, Manuel Valls avait d’ailleurs repris la citation au vol, en la détournant : « Qui imagine Yvonne De Gaulle occupant un emploi fictif ? » C’est le fameux principe de l’arroseur arrosé. Un principe karmique, en somme, qui veut qu’une action intentionnelle tournée contre autrui finisse toujours, tôt ou tard, par susciter la même action en retour. Généralement, cette loi est difficile à discerner, car noyée dans l’entrelacs complexe des interactions. Dans le « PenelopeGate », au contraire, le boomerang karmique se donne à voir dans toute sa simplicité…biblique : Fillon reprochait à Sarkozy de se présenter en étant mis en examen, et désormais lui-même risque bien d’être « empêché » par les affaires…et mis en examen !
Dans « Le Royaume », beau récit consacré à l’Histoire des premiers Chrétiens, Emmanuel Carrère fait le même parallèle entre le Nouveau testament et cette loi karmique fondamentale. Ainsi commente-t-il des passages des Evangiles semblables à ceux cités par le Père Torpos : « [Il y a là] une façon si particulière de ne pas dire : ‘faites ceci, ne faites pas cela’, mais plutôt ‘si vous faites ceci, il arrivera cela’. Ce ne sont pas des prescriptions morales, mais des lois de la vie, des lois karmiques (…) Il y a une énorme différence entre dire : ‘Ne fais pas à un autre ce que tu ne voudrais pas qu’il te fasse’, et dire : ‘Ce que tu fais à un autre, tu te le fais à toi-même’. Ce que tu dis d’un autre, tu le dis de toi-même. Traiter quelqu’un de con, c’est dire : ‘Je suis un con’, l’écrire sur une pancarte, et se la coller sur le front. »
On ne saurait mieux dire. Mais peut-être Fillon a-t-il entendu le message, et s’est-il réconcilié avec son « adversaire » en déjeunant avec lui, ce mercredi. Et peut-être même alors – qui sait ? – ses propres affaires vont-elles finir par s’améliorer ?
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